« LA CRÉATION, TRANSFORMATION ET GESTION DES MARCHÉS : L’INTERACTION DES GOUVERNEMENTS ET LE SECTEUR PRIVÉ – DE L’ANTIQUITÉ À L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE » : UN RECENSEMENT DU LIVRE « HISTOIRE MONDIALE DU PROTECTIONNISME » PAR ALI LAÏDI, PASSÉS COMPOSÉS, SEPTEMBRE 2022

PETER O'BRIEN - 19 Oct, 2022

Lorsque j’ai commencé mes études du commerce international, les cours proposés (aux universités de Londres et Chicago) étaient pleins d’analyses théoriques dont le but était de convaincre les étudiants de la supériorité du « commerce libre » et de démontrer comment les politiques qui nuisaient à ce « commerce libre » étaient néfastes et préjudiciables au bien-être des pays et de leurs habitants. A la base des analyses théoriques se trouvaient des références copieuses aux travaux d’un Anglais, David Ricardo, appuyées par des commentaires en ce qui concerne des épisodes ou, apparemment, on pouvait constater les dommages perpétrés par des politiques qui limitaient le commerce, par exemple pendant la décennie 1930.

Mais, il y avait un petit problème. Où était l’examen sérieux de l’histoire économique (et l’histoire des politiques qui accompagnaient et formaient cette histoire) ? Et, puisque le commerce international ne peut être que difficilement expliqué sans référence aux marchés à l’intérieur des frontières entre les Etats, qui étaient les acteurs responsables pour les morphologies des marchés ? Puisque les agents, publiques et privés, qui participent directement et indirectement dans la création, transformation et gestion des marchés ne répondent pas, en général, à la fameuse caractérisation d’une « main invisible » définie par Adam Smith, mais, au contraire, sont très souvent des entités tout autres que « sans visage », pourquoi on ne faisait pas des recherches approfondies à propos des motivations et d’intérêts (économiques ou non) de ces agents et leurs choix des instruments à utiliser pour arriver à leurs objectifs (économiques ou non) ?

Le magnifique livre du Professeur Laïdi nous offre des réponses à ces questions primordiales. Et les réponses sont d’une richesse et d’une actualité qui méritent des réflexions profondes, surtout à ce moment où le monde se trouve à des carrefours d’ordre politique, économique, stratégique et même de la survie de la planète et ses habitants. Pour nous guider, et aussi pour assurer des analyses complètes, l’auteur organise son matériel en cinq parties principales précédées par une brève mais extrêmement importante introduction.

LA STRUCTURE DU LIVRE

L’Introduction nous invite à considérer les questions protection et protectionnisme ; à tenir compte du fait, si souvent oublié, qu’il n’y a « pas d’économie sans politique » ; que le protectionnisme peut se vêtir d’une manière aussi bien défensive qu’offensive ; et qu’on peut se protéger d’une façon violente.

La première Partie établit les prémices, le cadre et la situation contemporaine. Ses cinq chapitres traversent le terrain historique à partir de l’antiquité, passe par le mercantilisme, s’ouvre à la première révolution industrielle, entre dans les champs d’après 1945 marqués par le libéralisme économique et les résistances qu’il génèrerait, et termine avec la situation présentée par le COVID et ses conséquences. Cette approche permet de souligner plusieurs messages à la fois. Que les moyens utilisés pour créer et gérer les marchés dépendent toujours des objectifs fixés par la société en question. Que les interactions entre les agents publiques et privés peuvent être d’un caractère coopératif, conflictuel, les deux à la fois et sont certainement capables de se modifier, voir se bouleverser, selon les circonstances. Que, depuis l’Antiquité, les sociétés ont essayé de promulguer les lois et les règlements, aux niveaux nationaux et autres, pour codifier les marchés et leurs opérations. L’auteur ne manque pas de soulever les maints obstacles auxquels la mise en fonction de ces cadres légaux a eu à faire face pour s’imposer (et assez souvent de ne pas réussir).

La deuxième Partie adresse la question éternelle de l’humanité – comment se nourrir ? Chacun des trois chapitres dans cette partie prend une nourriture clé : les céréales, le sel et le riz. Le seul fait de nommer ces trois nous plonge dans une myriade de situations et paradoxes qui ont été tant pour nous ancêtres que pour nous-mêmes a la racine des terribles conflits, bien souvent d’une violence inouïe.

La troisième Partie définit la « première mondialisation » à travers le prisme de trois produits agricoles, le sucre, le café et le cacao, et le produit manufacture par excellence, c’est-à-dire les textiles. Encore une fois les conséquences sociales du développement de ces marchés internationaux, de l’esclavage vers la destruction de l’emploi et l’appauvrissement de grands pans de la population dans divers continents, se trouvent au cœur des analyses. Les efforts de créer des régimes institutionnels et légaux afin de contrebalancer les nombreux intérêts sont traités avec précision et perspicacité.

La quatrième Partie se concentre sur l’industrialisation du monde et les besoins commerciaux et politiques correspondants générés par ce processus. Maintenant nous sommes dans les domaines des métaux, de l’industrie ferroviaire, la chimie, le pétrole, et les automobiles. Chacun de ces secteurs a été témoin des renversements dramatiques en ce qui concerne le pouvoir relatif des pays, et donc témoin de l’utilisation des instruments assez nouveaux pour gérer les marchés.

La cinquième et dernière Partie du livre nous mène à ce que l’auteur appelle « les nouveaux protectionnismes », analyses à travers l’aéronautique, l’électronique et informatique, et les services du marché, particulièrement l’audiovisuel et la culture (définie d’une manière ample). Il va sans dire que le contenu de la dernière partie reprend précisément tous les problèmes qu’on voit mentionnés sans cesse dans les nouvelles quotidiennes et qui constituent l’ordre du jour des réunions régionales et internationales qui semblent se succéder avec une fréquence hallucinante.

LES SUJETS LAISSÉS POUR UN PROCHAIN LIVRE

Malgré la richesse de cette structure, il faut reconnaitre que le livre ne peut aborder toutes les dimensions des marchés, ni tous les marchés. En particulier, le rôle énorme joué aujourd’hui par les marchés financiers ne fait pas l’objet d’analyse. Ceux sont, paradoxalement, les marchés les plus libres en ce qui concerne les flux transfrontaliers. Ces flux peuvent créer des changements dramatiques des taux de change (et une accusation souvent dirigée contre des pays qui réussissent à faire croitre rapidement leurs exportations des produits et projets c’est qu’ils ont manipule le taux de change de leurs monnaies). En soi, le fait que les mouvements de ces marchés sont interprétés comme des forts indicateurs du degré de « confiance » que les agents financiers puissent avoir dans la gestion économique d’un pays, influence très sensiblement les politiques commerciales du pays en question.

Quelques aspects des régimes légaux sont mentionnés mais ne peuvent pas être traités d’une façon exhaustive dans les limites imposées par un seul livre. Aujourd’hui, des pourcentages bien élevés du commerce international dans de nombreux secteurs se font au sein d’une seule entreprise transnationale (et ses filiales partout dans le monde) et au sein des « alliances des entreprises » formées pour assurer la production et distribution des produits particuliers. Le commerce crée par de telles structures est conduit à des prix et dans des conditions déterminées par des décisions prises hors du cadre d’un marché dans son sens traditionnel.

Les avantages conférés par les lois de la propriété intellectuelle, particulièrement les brevets, souvent jouent un rôle crucial dans ce genre du commerce. Un brevet donne plusieurs monopoles à la fois, y compris la possibilité de ne pas produire dans l’écrasante majorité des pays ou le brevet est enregistré (n’oublions pas que la Convention de Paris, instrument légal qui constitue la pierre angulaire du système de protection des brevets, a été signée et ratifiée par la plupart des pays du monde et que la Convention facilite l’enregistrement rapide d’un brevet soumis et approuvé dans un pays membre dans tous les pays membres). Puisque la stratégie normale pour une entreprise qui mène une activité riche en recherche et développement est de créer une série de brevets autour d’un brevet clé (patent clustering), la protection obtenue est loin d’être négligeable.

D’une manière plus générale, le lien étroit entre investissement étranger et commerce fait que les traités bilatéraux, régionaux et internationaux deviennent des éléments qui exercent un poids considérable sur la liberté de manœuvre des gouvernements par rapport aux politiques commerciales. Il suffit de s’accorder sur les polémiques suscitées par l’inclusion des clauses relatives à certaines de ces accords dans des brouillons proposés par l’UE et les Etats Unis pour le traité mort-né sur l’investissement et le commerce en 2016 pour se convaincre de l’importance de cette question. Elle va au cœur du débat « qui gouverne un pays ? » Le secteur public ou le privé. En réalité, nous le savons, la réponse a toujours été « tous les deux ». Le vrai débat concerne les détails, en bref « qui gouverne quoi ? »

Finalement, le livre ne fait que quelques références au commerce international des produits interdits. Même si, par définition, il est impossible de donner des chiffres exacts concernant la magnitude de ce commerce, il est sans doute un pourcentage important par rapport à la totalité du commerce international. Etant donné que les chiffres souvent cités considèrent que 30 à 35% du produit global brut est composé des produits et activités interdits par des lois internationalement reconnues, on peut imaginer que le commerce international illégal est tout sauf négligeable. Puisque ce genre de commerce est fréquemment lié au commerce international normal (par exemple, le transport des drogues par moyen de les mettre dans des livraisons des produits licites), le problème devient encore moins difficile pour des analyses précises. Tout cela dit, le Professeur Laïdi attire notre attention sur le fait que des questions fréquemment soulevées aujourd’hui ont été posées il y a très longtemps. Les contrefaçons en ce qui concerne les textiles et les vêtements ont toujours été un problème (« les fausses indiennes »). Les pratiques de changer (diminuer) la qualité des produits (par exemple les boissons) avant de les exporter sont vieilles des siècles. Les exemples ne manquent pas.

Je fais référence à ces points tout simplement pour souligner, comme il le fait l’auteur du livre, que beaucoup de thèmes restent à traiter. Mais ceci dit, regardons bien la richesse des arguments et des pratiques analysées dans le livre. Je vais essayer de le faire en mettant en relief plusieurs points qui me semblent d’une importance capitale et de les associer à des questions essentielles dans les débats d’aujourd’hui. Certainement la liste que je propose pourrait être élargie, tant que le matériel recueilli par l’auteur est vaste. Mais j’espère que les points mentionnés servent à démontrer que le protectionnisme devrait être vu dans un contexte qui va bien au-delà des paramètres souvent mis comme le cadre nécessaire pour une discussion.

QUELQUES LECONS CLÉS

1. Les Objectifs d’une Société et ses politiques.

Athènes cherchait à créer une société relativement démocratique et paisible. Une croissance économique, dans le sens moderne du terme, était loin d’être une préoccupation majeure pour ceux qui gouvernaient. Pour assurer la poursuite de ces objectifs, il était vital que la population soit bien nourrie. Mais la nourriture consistait principalement des céréales dont la production n’était pas facilement réalisée à Athènes même. Donc plusieurs politiques étaient mises en opération.

D’abord, l’Etat a pris contrôle lui-même du marché. Il a fixé les prix, accumulé les stocks comme protection contre des mauvaises récoltes, et établi des accords avec des fournisseurs à l’étranger. Cette gamme de mesures était érigée surtout pour éviter des révoltes sociales dont la cause pourrait être le manque de nourriture. Est-ce que cette approche a été suffisante ? Bien sûr que non. Même dans les périodes où Athènes ne cherchait pas de poursuivre une politique étrangère expansionniste, il pouvait y avoir des conflits avec les fournisseurs des graines. Il fallait avoir une capacité militaire et non seulement diplomatique, suffisante de garantir que les importations critiques ne seraient pas interrompues. Et dans les périodes d’expansion ? D’un côté des expéditions réussies pouvaient, selon les circonstances, améliorer la situation de la nourriture. Mais les résultats pouvaient être aussi moins acceptables.

L’Etat vivait donc avec des politiques commerciales qui visaient l’importation de la nourriture clé, qui essayait en général de maintenir la fourniture à travers des accords et des méthodes paisibles, et qui organisait les marchés internes en fonction d’une activité de l’Etat dirigée vers le contrôle des prix. On peut, dans une terminologie plus moderne, définir Athènes comme une entité qui essayait de gérer les risques (assez considérables) des problèmes sociaux à travers une combinaison de politique commerciale, mainmise sur le marché interne, et force militaire à utiliser en cas de nécessité.

Curieusement, Rome avait la même dépendance sur les graines et elle aussi n’était pas un grand producteur. Pour ce marché, elle mettait l’Etat comme acteur primordial et pratiqué le stockage, contrôle des prix, mesures contre les activités des commerçants privés, et le reste. Néanmoins, puisque Rome était décidément expansionniste, était relativement ouverte en ce qui concerne la possibilité de devenir citoyen, et la ville ne cessait d’avoir une population en augmentation, les crises étaient plus nombreuses et difficiles à gérer. Laïdi raconte comment, dans une période particulièrement compliquée, Cicéron qui était gouverneur de la Sicile, possédait des stocks importants des céréales, les envoyait à Rome et ainsi réussissait à renforcer sa propre position politique.

C’est l’empereur Auguste qui a créé une institution spéciale, l’Annone (le précurseur d’un nombre énorme des institutions similaires créées à tous le niveau public à travers l’histoire), pour remplir toutes les tâches liées à la sécurité alimentaire non seulement de la ville de Rome mais partout dans l’empire : autrement dit, l’Annone avait ses filiales dans n’importe quel coin de l’empire. En résumé : « La politique annonaire romaine représentée une tentative complexe pour gérer le problème des subsistances selon les principes moraux élaborés par une longue tradition de pensée. L’effort – et le pari – est celui de soumettre l’échange, dont le ravitaillement de la ville dépend, à la logique sociale qui organise la communauté » (p.164).

2. La Peur de la Dépendance

C’est un thème qui se répète partout et toujours, et qui prend des formes assez variées. IL est présent, en toute première ligne, par rapport aussi à la nourriture. Prenons le cas du sel. Peut-être moins important aujourd’hui, il avait un rôle critique dans le passé. D’un côté le produit était très important en soi, pour la consommation directe et la sante. Mais son usage dans la préparation d’autres produits culinaires, ainsi que sa fonction dans la conservation de la nourriture (par exemple, les poissons), assurait que le sel serait au cœur des marchés. Les activités de Venise sont particulièrement instructives à cet égard.

Dans l’histoire il y a eu peu de villes à rivaliser avec l’importance (et quelle durée !) de Venise. Le commerce, surtout hors de ces frontières et principalement sur la Méditerranée, définissait la vie économique et politique du domaine des Doges. Etant très petite, même en tenant compte de la région de Veneto, la ville avait besoin de protéger ses propres ressources et ses sources d’approvisionnement. Sans une force maritime très importante, tant pour les affrontements belliqueux que pour le transport des produits, la ville était morte. Le sel est devenu un enjeu capital dans ce contexte. Il arrive que la région autour de Venise fût relativement bien fournie des caves pour la production du sel. Au début, tout en utilisant des instruments similaires (la Gabelle) à ceux des athéniens et les romains, la ville s’approvisionnait de ses propres ressources. Mais rapidement la décision était prise de conserver ses ressources et de chercher le sel ailleurs. Les risques de cette dépendance devraient être cependant minimisés, surtout parce que l’ennemi juré de Venise, Gênes, avait les mêmes objectifs. Comment gérer ces risques ? Certainement le pouvoir maritime jouait un rôle clé. Il servait pour assurer que les fournisseurs étrangers respectaient les contrats signés, pour protéger les transports contre la piraterie et pour éviter que les acteurs privés fassent des efforts pour briser le monopole exercé par la ville état.

Avec le temps, la panoplie des mesures opérées par la Gabelle réussissait à produire des grands bénéfices financiers. Autrement dit : le pouvoir géopolitique donnait aux mesures d’ordre économique et administratives une liberté de manœuvre qui, à son tour, permettait au système de s’épanouir. La fourniture du sel était assurée, le contrôle du marché appuyé par la force gênerait des grands profits, et les vénitiens se sont permis de créer un empire remarquable. Bien sûr, lentement les changements des conditions ont détruit ce pouvoir et la ville a perdu sa place dans l’économie du monde. Mais l’exemple illustre comment un petit lieu qui a fait fortune à partir du commerce a pu se protéger contre les risques posés par la dépendance par rapport au commerce, en utilisant des politiques construites afin de biaiser ce commerce dans le sens qui convenait à la ville.

3. La violence et le commerce

Malheureusement, très nombreux sont les cas où le commerce, y compris la direction géographique des exportations et importations, a été le résultat d’une violence exercée avec le but principal de créer le commerce. Les espagnols en Amérique Latine (un exemple scandaleusement oublie et tergiversé par un espagnol même la semaine dernière quand Josep Borrell a prononcé son discours de l’ouverture de l’année académique au Collège d’Europe à Bruges) ; l’histoire de la East India Company britannique (magistralement racontée par William Dalrymple dans son livre « The Anarchy ») ; l’esclavage ; les traites imposes par les étrangers sur le Japon et la Chine au cours du 19eme siècle ; et des exemples sans fin au cours du 20eme siècle et plus récemment.

En plus de la violence directe, la violence latente (c’est-à-dire des menaces) a été souvent utilisée pour « encourager » la signature et ratification des accords rédigés pour réconforter les besoins d’un des signataires sans offrir des bénéfices équivalents à l’autre. Cela arrive souvent avec les accords appelés « voluntary export restraints ». Ce bel exemple de la diplomatie par la terminologie a été inventé pour protéger les marchés internes et les emplois surtout dans les pays OCDE et dans les secteurs manufacturiers où les nouveaux concurrents se sont démontrés être plus compétitif que les producteurs traditionnels. Peu importe que ces accords VER soient totalement contraires aux « principes » énoncés dans des accords internationaux. Lorsque la réalité brutale frappe les marchés, les besoins demandent que les marchés soient contrôlés. Il n’y a pas besoin de faire d’avantage des commentaires sur ce point. Laïdi renforce le principe que l’économie est très souvent décidée par la politique.

4. Les contradictions sont la règle

Inutile pour un pays où des intérêts privés de proclamer des dogmes genre « commerce libre ». Les politiques adoptées à un temps particulier sont toujours le résultat des circonstances qui existent. Rien de surprenant, donc, de voir que les Etats Unis, qui prêchait la grande libéralisation du commerce international après 1945, ont mené la pratique de maintes restrictions sur ce commerce, en même temps qu’ils ont maintenu toute sorte de limitations sur le fonctionnement du marché interne. Même chose pour l’UE. L’Union s’est présentée comme un agent fortement a faveur de la libéralisation du commerce international, mais n’a jamais cessé de promouvoir les intérêts de ses membres à l’heure de négocier des accords avec des pays tiers. Que ce soit très clair : il me semble tout à fait logique et raisonnable qu’un individu ou entité protège ses propres intérêts (je suis bien un disciple d’Adam Smith dans ce sens -et aussi dans pas mal d’autres). Mais faites-moi la faveur de ne pas être hypocrite et prétendre que ce comportement soit à l’avantage de toutes les entités impliquées. Les possibilités de « dommages collatéraux » sont toujours présentes. Un grand économiste, Vilfredo Pareto, avait justement attiré notre attention sur l’importance que ceux qui soient désavantagés puissent être dédommagés pour leurs pertes. La triste réalité, cependant, est que cette possibilité, comme disait Shakespeare, « has been more honoured in the breach than in the observance »

Tout ce qu’a été dit par le Professeur Laïdi et dans ces commentaires ne nie point les manifestes avantages que le commerce international peut porter au bien-être des peuples et des pays. Au contraire, il y a énormément d’exemples qui parlent à faveur des politiques libérales. Ce qui est important à souligner c’est la réalité qui, surtout dans un monde hautement conflictuel, est à tous les niveaux, il n’existe pas un seul principe ou approche qui devrait représente la norme pour laquelle tout le monde doit être d’accord. Chacun peut avoir sa perspective – et cette perspective aura sa propre dynamique. Dans son discours prononcé la semaine dernière au Congrès du Parti Communiste de la Chine, le Président Xi Jinping a élaboré la vision du futur qui semble diriger les actions de ce grand pays. De la même façon, d’autres pays et organisations arborent leurs aspirations et objectifs. Le défi, comme le Professeur Ali Laïdi explique si bien dans son œuvre, est de faire en sorte que les politiques choisies veillent, dans leur ensemble, aux intérêts de tous.

Peter O’Brien, Bruxelles, 19 Octobre 2022

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